Cross the Borders

Les photographies de Blaise Adilon instaurent les conditions d'un doute radical, déjouant l'illusion représentative de l'image par-delà sa présumée indexation au réel. Dans la série Cross the Borders dont sont extraites ces quatre photographies, c'est la lisibilité même de l'image qui est atteinte, par une sous-exposition du sujet : la prise de vue nocturne ne laisse apparaître que de faibles contours et formes à peine identifiables, donnant l'impression, de prime abord, d'être face à des monochromes noirs. La série nous place face à ce paradoxe :
ce qui est montré est en même temps voilé ; la photographie, pourtant « écrite avec la lumière », nous pousse à accoutumer notre regard à une obscurité représentée, tout comme dans le noir complet de la lumière semble malgré tout émaner des choses elles-mêmes.

Cross the Borders part du plus obscur, de la nuit, pour arriver à l'évocation d'un réel incertain, aussi précaire que les habitants des frontières : exilés, déplacés, vagabonds repoussés aux bordures des villes. Ces frontières coïncident ici avec une expérience limite du regard, entre vision et non-vision. Quand l'attitude ordinaire vis-à-vis des personnes qui vivent en marge de la société est celle de l'indifférence, les photographies de Blaise Adilon forcent le regard, nous obligent à un regain d'attention, à une observation patiente, obstinée et peut-être empathique.