Naturally Obscure

La Collection en prêt en France

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Pensée en relation à l’exposition « Vernacular Alchemists », présentée au centre d’art contemporain Passerelle durant l’été 2014, « Naturally Obscure » n’en est pas pour autant une suite logique. Là où le premier volet revisitait des formes de culture vernaculaire, des traditions folkloriques, païennes ou paganistes et permettait d’élaborer de véritables mythologies, ce second opus s’ancre dans une toute autre réalité, a priori moins propice à l’évasion. En effet, plus de vingt-cinq ans après les grands espoirs hérités de la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide, force est de constater que les évènements ont pris une tournure pour le moins inattendue, bien loin des lendemains qui chantent qui avaient été annoncés. En lieu et place s’est imposé un monde fragmenté, divisé, souvent au bord du chaos, comme en témoignent les évènements survenus en France et en Belgique ces derniers mois.
« Naturally Obscure » s’inscrit nécessairement dans cet air du temps. Néanmoins, si les oeuvres des artistes conviés ici font écho à l’instabilité générale, elles cherchent en premier lieu à instiller un peu de magie dans notre quotidien, de manière parfois dérisoire. Loin de proposer un « statement » ouvertement politique ou d’offrir un état des lieux de la déliquescence de nos sociétés contemporaines, « Naturally Obscure » donne à voir un point de vue décalé sur un monde revenu des grandes utopies, en proie à l’instabilité. En tentant de faire naître de nouvelles formes narratives, empreintes de poésie, les artistes invités dépassent les limites du réalisme traditionnel, plus enclin à la narration. On pourrait d’ailleurs employer à leur encontre les expressions de « réalisme magique » ou de « réel merveilleux », qui font écho à certains auteurs latino-américains du vingtième siècle comme Julio Cortázar ou Gabriel García Márquez, mais évoquent avant tout une réalité transfigurée par l'imaginaire, dans laquelle toute forme de rationalisme est mise à mal pour laisser place à l'invraisemblable, l'insolite, le dépaysement – la fiction finissant par prendre le pas sur la réalité. Certaines des oeuvres rassemblées ici s’inspirent de notre quotidien le plus trivial, d’autres font écho à des évènements politiques ou sociétaux majeurs, d’autres encore convoquent des images archétypales. Toutefois, malgré ces références issues d’un background culturel commun, il est difficile d’identifier d’emblée ce qui est donné à voir dans cette exposition. Si l’ambiance générale semble, au premier abord, assez sombre et mélancolique, une « lecture » plus attentive permet de ressentir l’énergie, parfois de l’ordre de l’irrationnel, qui se dégage de l’ensemble des oeuvres présentées.
Les artistes réunis dans « Naturally Obscure » cherchent tous à créer une relation nouvelle au monde, qui s’incarne parfois dans des gestes très simples. Ainsi de la sculpture – de la série des Pass-Stücke – de Franz West, forme transitoire qui modifie sensiblement notre appréhension de l’espace environnant. Ainsi également du diptyque d’Élise Florenty et Marcel Türkowski, Holy Time In Eternity, Holy Eternity In Time (2011), qui se veut à la fois un hommage à l’un des plus grands auteurs américains – en l’occurrence William Faulkner –, tout autant qu’une plongée dans un territoire aux atmosphères troubles et magiques, propice au fantasme et à l’onirisme. Une fois les frontières entre réel et imaginaire tombées, il ne reste qu’à se laisser porter par les images de ce film habité par l’histoire, la nature et la littérature si particulière de cette région supposée du Sud des États-Unis. Et toute l’exposition d’être à l’avenant, entre un ancrage fort dans la réalité et une volonté farouche de transcender celle-ci. Une résistance par la poésie qui tend à révéler les
ambiguïtés et les contradictions d’une humanité qui semble chercher sa voie.

Avec les artistes : Jean-Luc Blanc*, Matthew Day Jackson, Alain Declercq, Koenraad Dedobbeleer , Jeremy Deller & Alan Kane, Nathalie Djurberg & Hans Berg, Hubert Duprat, Matias Faldbakken, Sam Falls, Francesco Finizio, Elise Florenty & Marcel Türkowsky, Michel François*, Lola Gonzàlez, Laura Gozlan, Sven’t Jolle, Charlotte Moth, Ciprian Muresan, Jean-Marie Perdrix, Andres Ramirez, Oscar Santillan, Superflex, Sarah Tritz et Franz West.
*Œuvres de la Collection IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes
IAC → EXHIBITIONS → ex situ → The IAC Collection → France & at the international → Naturally Obscure
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printed on November 25, 2024 [16:28] from IP address : 3.144.31.86
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