Tohu Bohu III

Issue de la série du même nom, Tohu Bohu III s'inscrit dans une recherche de Basserode sur les objets sédentaires, éléments de mobilier dont la fonction première est contrariée, parasitée par l'ajout intempestif de composants naturels ou de matériaux bruts qui rendent impossible leur utilisation. Ici l'intérieur d'une armoire – meuble de rangement par excellence – est obstrué par un mur de terre crue et une plaque de verre dépoli, dont la frontalité crée une impression d'empêchement, en même temps que le sentiment d'une incongruité métaphysique, à la manière d'un tableau de Magritte ou d'une sculpture de Broodthaers.

Dans la Genèse, le tohu-bohu (de l'hébreux tōhū wā bhōhū) désigne le désordre et le vide ; il décrit le paysage originel précédant l'ordre de la création. Cette désignation mythique contraste avec le statisme de l’œuvre et la banalité quotidienne du meuble manufacturé, évoquant par ailleurs le classement, l'organisation. La division interne de l'armoire (un tiers de terre, deux tiers de verre, sans transparence ni reflet) figure une répartition primitive entre vide et matière avant l'organisation de l'univers. De par son opacité, l’œuvre de Basserode incite à l'interprétation autant qu'elle la décourage : tentative d'ordonner le chaos, de déterminer l'indéterminé, d'intégrer la mémoire du monde dans le cadre rationnel de la mémoire humaine, quand à la fin – la terre se fissure, le verre redevient sable – tout retourne au désordre.