Les rats-cistes

La peinture à l’huile sur toile Les Rats-cistes est une œuvre de jeunesse d’Erró qui contient déjà toutes les caractéristiques de son travail : saturation de la toile, accumulation de motifs exécutés dans un style naïf (ici une imagerie proche de la science-fiction, qui serait revue par un enfant…), surenchère d’anecdotes visuelles et de détails humoristiques. Un humour caustique, qui n’hésite pas à passer à la moulinette les phénomènes sociopolitiques du monde contemporain. 1960 est l’époque où il participe à l’exposition Anti-Procès I (Galerie des Quatre Saisons à Paris), à l’occasion de laquelle est publié le manifeste « Pour le droit de l’homme à disposer de lui-même », et qui regroupe les œuvres d’une quarantaine d’artistes venus de douze pays (dont Victor Brauner, Dado, Öyvind Fahlström, Wifredo Lam, Roberto Matta…). Dans ce contexte de la guerre d’Algérie, Erró, avec un certain nombre de ses amis artistes du milieu dada-surréaliste, affirme un positionnement critique et pointe du doigt les maux de la modernité.
Ce tableau appartient à la série Abolition des races, dédiée à Nina Thoeren  assassinée en Californie en 1959. L’artiste en parle ainsi : « J’ai peint les huit personnages-objets à la tête mécanique à partir de collages de la série Meca-Make-Up. Le seul personnage non mécanisé (de profil) qui se trouve à droite du panneau central « Pulisce a fondo » est un autoportrait.
En haut : dans le ciel, les rats (blancs et noirs) et leurs croisements, tels qu’ils sont définis par les lois de Mendel (loi de disjonction des caractères, loi de disjonction indépendante des couples de caractères, loi de dominance, qui expliquent les processus de l’hérédité).
Sur la bouteille du panneau central, on peut lire « Poison pour raciste ». Il est évident étant donné la position de la bouteille que le raciste se trouve au fond de la cuvette des W.-C.¹ »

¹ Erró, texte reproduit dans le catalogue Erró. Rétrospective. Paris : Somogy Éditions d’Art ; Lyon : Musée d’art contemporain, 2014, p. 149.