J'ai peur

Réalisé en 1994, à l’âge de vingt-cinq ans, J’ai peur se compose d’un ensemble de quatre-vingt-deux dessins à la plume illustrés d’une courte phrase dactylographiée, ainsi que d’un livre (celui-ci en comportant quatre-vingt-huit). Proche du Je me souviens de Georges Pérec (écrit en 1978), elle emprunte aussi à la poésie japonaise (celle du haïku) sa forme brève, minimale et immédiate. Géraldine Kosiak procède ici à un inventaire de toutes ses peurs ; certaines dérisoires (« J’ai peur des mathématiques »), d’autres plus basiques, relevant de la phobie (« J’ai peur des serpents »), mais aussi certaines angoisses plus fondamentales (« J’ai peur d’être enceinte », « J’ai peur que mon loyer augmente encore et que je ne puisse plus le payer »), existentielles et philosophiques (« J’ai peur de vieillir », « J’ai peur que l’Histoire se répète »). Litanie de peurs tour à tour minuscules, enfantines, légitimes ou profondes, J’ai peur finit, en creux, par dessiner un autoportrait drôle et lucide de la figure de l’artiste. Par de courtes phrases et un dessin faussement naïf, Géraldine Kosiak nomme et circonscrit le territoire de ses peurs, comme pour les affronter et les mettre à distance. En restant « à la lisière du particulier¹ », Géraldine Kosiak révèle des peurs sourdes, renvoyant immanquablement le spectateur à ses propres angoisses.

¹ Valérie Dupont, in Champ libre, catalogue d’exposition, FRAC Franche-Comté, Musée des Beaux-Arts de Dole, 1995, p. 16, 17.