Ernst Ludwig Kirchner

Sans titre

vers 1925

Tirage sur papier baryté au gélatino-argentique
50 x 40 cm
22,5 x 11,8 cm

La photographie acquise par l'Institut d'art contemporain relève de l'un des sujets fondateurs de l'art de Kirchner : le nu (thème qui illustre entre autres certaines de ses plus belles gravures et lithogravures). Reproduisant une de ses sculptures sur bois, le tirage gélatino-argentique figure deux personnages féminins nus.
Réalisée aux alentours de 1925, alors que Kirchner s'est retiré du tumulte de la ville pour vivre dans les paysages alpins de Suisse, où il élabore un art empreint de tellurisme et de retour à la nature originelle1, l'œuvre évoque formellement l'influence de l'art africain, notamment camerounais. Les volumes de bois taillés massivement sont peints. Le critique Louis de Marsalle (qui n'était autre que l'artiste lui-même) renvoyait cette technique à l'art du Moyen Âge : « Kirchner met également la couleur au service de la sculpture… écrivait-il alors, La richesse des couleurs des sculptures médiévales semble à nouveau prospérer ».
L'un des deux personnages, au premier plan, semble être un enfant, ses proportions, ses formes ainsi que la couleur claire avec laquelle son corps est peint le signale immédiatement comme l'incarnation d'une certaine innocence (innocence accentuée par la position de ses mains tenant ce qui pourrait être une étoffe ou un oiseau contre sa poitrine). Derrière l'enfant, une femme plus grande et plus âgée, avec les mêmes traits et la même chevelure (sans doute Erna Schilling, la compagne et muse de Kirchner), la peau plus foncée, le tient délicatement par l'épaule et le bras. Le traitement des deux corps laisse à penser qu'il s'agit en fait d'un même personnage figuré à deux âges de la vie. Alors que le regard de l'enfant est tourné devant elle et que son visage dégage une certaine forme de quiétude, la tête de la femme est quant à elle penchée, le regard mélancolique posé sur le sol. Figure allégorique renvoyant au cycle de la vie, l'œuvre décline le thème du passage du temps et pose un regard sensible sur l'inévitable dégradation du corps et sur la perte de la virginité originelle.

→ Ernst Ludwig Kirchner

Yves Bresson/Musée d'art Moderne de Saint-Etienne Métropole © domaine public

Ernst Ludwig Kirchner, Sans titre, vers 1925 Yves Bresson/Musée d'art Moderne de Saint-Etienne Métropole © domaine public

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