né en 1992 (Tunisie)
VIT ET TRAVAILLE À PARIS ET EN TUNISIE
Vidéaste, photographe et architecte, Younès Ben Slimane a étudié à l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis puis intègre en 2020 Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains. Sa première exposition est présentée en 2018 dans le cadre de la plateforme culturelle Jaou Tunis. Il a participé à plusieurs expositions collectives et festivals, notamment au musée d’art contemporain de Skopje, au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, ou à l’Institut français de Tunisie. Son premier court-métrage, All Come From Dust a été sélectionné pour le Festival du film de Locarno, et a remporté le Tanit d’Or aux journées cinématographiques de Carthage.
Réalisés dans les paysages désertiques du sud de la Tunisie, les films de Younès Ben Slimane s'inspirent des grands mythes et des cosmogonies religieuses. À partir d'une base documentaire, il construit des récits sans parole, des espaces-temps imaginaires à la frontière entre l'histoire des hommes et de la géologie, entre ruine et recréation. Younès Ben Slimane voit dans son travail de vidéaste un lien avec sa formation d'architecte ; selon lui, « l'architecture se rapproche du cinéma dans la mesure [où] elle peut être appréhendée comme un ensemble de séquences qui se succèdent1 », mais aussi comme expérience sensible et émotionnelle. All Come From Dust (2018) assimile la fabrication artisanale de briques à une pratique spirituelle, porteuse d'un pouvoir génésique. Dans un paysage effondré, un personnage mystérieux fait apparaître, à partir d'une masse de boue informe, une construction circulaire qui s'élève vers le ciel. Les mains se confondent avec la terre, les bâtiments avec le sol et la roche. Comme dans « le songe d'une terre où tout est fait d'argile2 », le minéral est partout présent ; mais aussi le feu, alimenté par les palmes et le vent qui souffle du désert.
Le titre du film Nous le savions qu’elles étaient belles, les îles (2021) est un vers emprunté au poète grec Georges Séféris, exprimant la mélancolie de l'exil3. Dans ce film, entièrement tourné de nuit, un homme creuse des tombes dans le désert. Les corps sont invisibles mais les défunts sont représentés par leurs maigres effets : une chaussure, un jouet, un peigne. Aucun mot n'est prononcé, ce qui laisse au spectateur la possibilité d'imaginer une narration ou de se laisser captiver par la force muette des images.
1 Younès Ben Slimane, « La brique, du Poièsis à l'Aethesis ». Mémoire de fin d'études, École nationale d'architecture et d'urbanisme de Tunis, 2019.
2 ibid.
3 « […] Mais que cherchent-elles nos âmes à voyager ainsi / De port en port / Sur des coques pourries ? / Déplaçant des pierres éclatées, Respirant la fraîcheur des pins plus péniblement chaque jour, / Nageant tantôt dans les eaux d'une mer / Et tantôt dans celles d'une autre mer, / Sans contact, / Sans hommes, / Dans un pays qui n'est plus le nôtre / Ni le vôtre non plus. / Nous le savions qu'elles étaient belles, les îles / Quelque part près du lieu où nous allons à l'aveuglette, / Un peu plus bas, un peu plus haut, / A une distance infime. » George Séféris, Poèmes (1933-1955), Poésie/Gallimard, 2009.