INCURABLES

UE « Pratiques curatoriales » en partenariat avec l‘ENS de Lyon

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Dans le cadre de la onzième édition de l'UE « Pratiques curatoriales » menée par les équipes de l'IAC, Villeurbanne et l'ENS, Lyon (Stéphanie Fragnon, Isabelle Baudino et David Gauthier).

Sidéré vis-à-vis des événements qui surviennent ou frappé d’inconscience face à la dégradation de l’environnement qui l’entoure, l’Homme moderne reste immobile, angoissé, tiraillé par la peur et les doutes quant à l’utilité de ses actions, comme incurable. En même temps, comme l’affirme François Cheng dans De l’âme, « Une confuse volonté de puissance le pousse à obéir à ses seuls désirs, à dominer la nature à sa guise, à ne reconnaître aucune référence qui déborderait sa vision unidimensionnelle et close ». Ainsi, conclut le poète, « il est terriblement angoissé, parce que terriblement seul au sein de l’univers vivant ». Renfermé.es sur nous-mêmes dans l’espoir vain de nous protéger de ce que nous avons engendré, nous semblons oublier que l’autre, celui qui se trouve au dehors, qu’il soit animal ou végétal, peut aussi nous surprendre et par ce fait, agir sur nous. En se proposant comme une expérience immersive à la manière d’une promenade en forêt, l’exposition est une invitation à la rencontre de cet autre.

La fragilité des œuvres et la profusion de leurs détails convoquent un regard attentif. Peu à peu, l’étrangeté première cède la place à une proximité insoupçonnée. Le visiteur ou la visiteuse s’extrait alors de lui/elle-même pour se penser comme constitutif.ve de l’ensemble du vivant, en interaction avec les autres espèces, dans une relation qui abolit toute hiérarchie préconçue. Est-ce là le remède ?

Il s’agirait pourtant d’être prudent.e. La forêt est un milieu qui reste hostile. Dans cette contemplation, il ne s’agit pas de s’oublier ; les oeuvres elles-mêmes nous le rappellent par leur ambivalence. Leur fragilité n’est bien souvent qu’apparence et dissimule une puissance que nous avions, à l’origine, nous-mêmes décelée puis utilisée, à notre avantage. Végétales, animales, ces incarnations ne font que nous renvoyer à notre propre violence, aux différentes altérations que nous avons pu causer sur notre environnement. Ainsi, par cette ambivalence, l’interaction se fait agonistique et le remède, ambigu, peut devenir poison, se muant en pharmakon (« remède » et « poison » en grec ancien).

Cette ambiguïté entre ce qui soigne et ce qui tue donne cependant lieu, à l’échelle de l’inframince, à des hybridations entre matières naturelles et artefacts qui s’allient, comme en symbiose, et perdurent, bien qu’altérés. Quel est alors le juste équilibre à trouver dans cette relation que nous entretenons avec l’environnement ? Entre réparation et rectification, la frontière reste difficilement perceptible.

À l’ère de l’anthropocène où le geste artistique se pense comme réparateur ou du moins comme révélateur, Incurables engage un questionnement métaphysique sur la relation que nous entretenons avec le vivant, ou plutôt sur la détérioration de cette relation et ses causes. En prenant acte de l’imprévisible organique, le visiteur ou la visiteuse embrasse à la fois sa beauté et sa monstruosité et reprend, pour un instant au moins, la place qui lui appartient dans un écosystème où chaque entité est interdépendante.
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imprimé le 23 avril 2024 [16:05] depuis l'adresse IP : 18.221.129.19
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