Considérée de manière aussi bien mentale que physique, la mesure de l’espace peut se matérialiser par des volumes de l’invisible (l’air, un sommet inaccessible), par des traces d’actions captant les micro-variations d’un itinéraire individuel, par des objets ou dispositifs d’enregistrement des distances.
Les dimensions relevées par les artistes sont le plus souvent générées par un mouvement – marche, déambulation, arpentage, errance... – dont le témoignage prend parfois le risque d’effacement ou de dématérialisation. Que les œuvres jouent sur des réalités insaisissables, ou qu’elles apparaissent comme des objets usuels, par exemple des outils de mesure manipulés, elles utilisent une codification standard dont elles mettent en question l’évidence. Ainsi, ce qui est mesuré, voire quantifié, est le plus souvent aléatoire, invérifiable, à la limite de l’absurde.
L’espace et le temps mesurés ici deviennent élastiques. A travers les œuvres présentées, un fil est constamment tendu dans l’espace, réel au départ (chaîne, câbles, fil à coudre, bandes magnétiques, élastique...), se faisant peu à peu métaphorique d’un flux, d’une énergie, d’une trajectoire, qui mettent parfois le corps en contrainte, en tension. Rendues à leur abstraction première, ces évaluations et spéculations sollicitent notre besoin de se projeter dans l’univers, d’interroger notre présence au monde, expérience devenue aujourd’hui plus que jamais nécessaire.