Le loup dont la queue est poussée par le vent

Deux écrans projettent un film dont les trois personnages n'en font qu'un : les
« Trois-petites-filles ». On les voit jouer à raconter une histoire en formant des figures avec des ficelles. Conte ou mythe de re-création du monde, comme tout récit des origines il suppose l'invention d'un langage, encore indéchiffrable. L'ensemble du projet Soit je suis morte soit je deviens oiseau, présenté en 2022 à l'Institut d'art contemporain, matérialise ce récit sous différentes formes : sonore, sculpturale, architecturale, visuelle. L'histoire des Trois-petites-filles se répercute ainsi de salle en salle, passant par des métamorphoses successives.

La notion de « jeux de ficelle » est adoptée par Donna Haraway¹ comme paradigme de l'entremêlement, l'interdépendance des histoires humaines et non humaines. À l'opposé du récit monolithique du héros, les jeux de ficelles (aussi appelés « SF » par Haraway) permettent aussi de remonter à l'origine étymologique du mot « texte » : textus, tissu ou trame, ne peut être composé que de fils multiples et par là exprime la dimension chorale du récit, son élaboration nécessairement collective. Habiter l'imaginaire c'est parcourir un réseau de lignes entremêlées, un territoire aux dimensions multiples.

¹ Donna J. Haraway, Vivre avec le trouble. Vaulx-en-Velin : Les Éditions des mondes à faire, 2020. Voir aussi la Théorie de la fiction-panier d'Ursula K. Le Guin, pour une histoire alternative de l'invention des histoires.