Transition de phase dans les cristaux liquides

Ce film, l'avant-dernier réalisé par Jean Painlevé, se distingue par son sujet des documentaires animaliers auxquels son nom est généralement associé ; il reste néanmoins dans une démarche de vulgarisation scientifique, tout en reprenant certains « thèmes visuels » chers au réalisateur, tels que la perte d'échelle liée à la microscopie ou les variations de formes. Les images tournées à l'aide d'un microscope par Painlevé sont issues des recherches sur l'Antarctique du biologiste Yves Bouligand, que le réalisateur rencontre à la fin des années 1960. L'explication proprement scientifique du phénomène est réduite à un carton introductif, qui laisse ensuite place à une pure expérience perceptuelle, à laquelle la musique de François de Roubaix ajoute encore de l'étrangeté.

Les teintes saturées et les mouvements hypnotiques des formes qui se font et se défont évoquent l'esthétique psychédélique, liée au mouvement de la contre-culture américaine de la décennie 1960. Plus encore, on pense aux expériences sur les psychotropes d'Henri Michaux et à son film Images du monde visionnaire, réalisé par Henri Duvivier en 1963. Michaux, comme Painlevé, a subi l'influence du surréalisme ; mais là où le poète essaie de transcrire des images mentales apparues lors d'états-limites de la conscience, Painlevé cherche à les faire émerger d'un monde infra-humain invisible à l’œil nu, instaurant une relation trouble entre l'imaginaire du sujet observant et le monde ainsi révélé.