Tableau-objet : bidet

L’œuvre Tableau-objet : bidet (1968) est une pièce à mi-chemin entre la peinture et la sculpture. En effet, l’objet (que souligne le titre) devenu sculpture par sa mise sur un socle et sa protection en plexiglas, perd sa fonctionnalité et devient en quelque sorte un objet « sacré ». Il peut être perçu comme un monument dans une société aseptisée.
Sur la toile, à l’arrière, sont peints trois miroirs de poche dans lesquels apparaissent les trois mêmes visages féminins. Toute la partie inférieure de la toile, peinte en bleu foncé, est traversée verticalement par une bande bleu clair.

L’obsession du sanitaire et du médical, récurrente dans l’œuvre de Peter Klasen, nous montre un quotidien banal où « le caractère lisse et incisif du monde des salles de bain aux corps parfaits, révèle l’angoisse de la mort devant la maladie, l’âge et la mort, dans un temps où la perfection clinique et la survie artificielle peuvent devenir une nouvelle forme de torture ».

À l'occasion de son exposition monographique organisée en 2009 au Tri Postal à Lille, Peter Klasen a donné un autre titre à cette œuvre : Bidet / Hommage à Marcel Duchamp. Voici le commentaire de l'artiste sur l’œuvre : "Le visage de Bidet, c’est une histoire personnelle. À l’origine, c’est une photo publicitaire. Ce regard me fascinait. Je l’ai utilisé assez souvent. Les photographies apparaissent dans des glaces à rasoir, il y a un aspect sexuel, phallique, une obsession à faire apparaître la même image. On entre dans la phase binaire, un ou deux objets prédominent, il y a un télescopage assez brutal entre corps et objet, souvent avec une connotation érotisante. C’est moins narratif. Il y a élaboration d’un vocabulaire. On élimine le corps et on arrive à la surface de l’objet représenté¹".

¹ Peter Klasen, entretien avec Pascale Le Thorel, cité in : Peter Klasen : Œuvres 1959-2009, Actes Sud, Arles, 2009, p. 28.