Materials

Hana Miletić réalise depuis 2015 des œuvres tissées de plus ou moins grand format, rassemblées sous le titre générique Materials. Ces objets accrochés au mur, aux formes indéfinissables et d'apparence modeste, manifestent pourtant un travail lent et minutieux de tissage et une grande richesse de matières : soie, coton, laine, cachemire, lin... S'ils évoquent certains travaux du courant Supports/Surfaces, l'intention se rapproche peut-être davantage de l'antiforme de Robert Morris pour qui « la perpétuation de la forme est un idéalisme qui fonctionne¹ » et qui insiste sur la nécessité de mettre en avant le processus de fabrication de l’œuvre.

Les pièces de tissu de Hana Miletić relèvent, d'une certaine manière, d'un réalisme, dans le sens où elles représentent des éléments issus de photographies de rue. La technique du tissage lui permet de « ralentir le processus » de reproduction photographique en réinvestissant un mode de production largement industrialisé. C'est le sens du titre Materials, qui joue sur les multiples sens du terme qui signifie autant matériaux que documents, étoffes, ressources, produits, contenus. Il évoque le matérialisme marxiste, ici repensé à l'aune du féminisme : Hana Miletić utilise la pratique du tissage, généralement attribuée aux femmes, comme « moyen pour contrecarrer les conditions économiques et sociales du travail, telles que l'accélération, la normalisation et la transparence² ». Par son militantisme en actes, elle souligne l'importance du geste réparateur, au cœur d'un paradigme du soin.

¹ Robert Morris, « Anti Form », Artforum, avril 1968.
² D'après le texte de présentation sur le site de l'artiste.