A Gourmet Experience

A Gourmet Experience [Une expérience gastronomique], qui est une des premières installations de Martha Rosler, met en scène avec humour le caractère tyrannique de la fonction nourricière traditionnellement dévolue à la femme. Une ou plusieurs tables sont dressées comme pour un repas de fête, avec couverts, fleurs et chandelles. Deux séries de diapositives (162 au total) montrent une ménagère jouée par l’artiste et des images de plats appétissants de tous pays, et sont entrecoupées de textes les mettant en abîme… Une bande son diffuse dans le même temps des recettes de cuisine.
L’œuvre s’inscrit pleinement dans le travail féministe de l’artiste, qui s’empare des situations de la vie quotidienne pour fustiger les différentes formes et conditions d’oppression. La « sémiotique de la cuisine » (comme dans l’œuvre éponyme Semiotics of the Kitchen, de 1975) est un terrain privilégié d’analyse critique pour cette artiste engagée.

Martha Rosler voit une double oppression de la femme dans les attentes diverses de la société : « La figure de la femme était assimilée à la fois au désir qui ressortait de la forme commerciale, telle qu’elle apparaît dans la publicité, et à la figure du foyer » (Martha Rosler, "Figure de l’artiste, figure de la femme", dans Martha Rosler sur/sous le pavé. Rennes. Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 43). Martha Rosler explique comment « il était absolument essentiel pour une épouse et pour une mère d’être une bonne cuisinière et une bonne nourricière. Cela apparaissait comme un déplacement de l’activité artistique et un transfert vers l’espace domestique de ce qui était sinon une activité dirigée vers la sphère publique. Le principe était que quelque chose était consommé en permanence et toujours réclamé de nouveau. Ceci est tellement différent de l’idée d’œuvre d’art qui est là pour être consommée en permanence mais qui reste toujours présente. Je voyais cela comme un exemple du travail féminin ».