Jean-Pierre Bertrand

Né en 1937 à paris (france)
décédé en 2016 à paris

Jean-Pierre Bertrand est une figure atypique de la scène artistique française et fut l’un de ses grands expérimentateurs. Opérateur de cinéma dans la première partie de sa carrière, il se tourne vers les arts plastiques au début des années 1970 et développe alors une œuvre singulière, hors « mouvement » et hors
« école ». Son art – films et vidéos, « peintures », photographies et dessins – associe deux composants a priori contradictoires : une approche conceptuelle, voire mathématique, et une utilisation de matériaux organiques (sel, citron, miel) et symboliques. Ses œuvres ont été exposées dans de nombreuses et prestigieuses institutions comme le Centre Pompidou à Paris et le Carré d’Art à Nîmes, ainsi que lors de la documenta IX de Cassel en 1992. Il a également représenté la France à la 48e Biennale de Venise en 1999.

Après des études à l'École Nationale de Cinéma à Paris, Jean-Pierre Bertrand travaille comme opérateur de prises de vue (chef opérateur) dans de nombreux films, notamment Bonjour Tristesse d’Otto Preminger en 1957. Une fois son service militaire achevé en 1960, il tourne pour des productions américaines et fait également l’acteur dans de nombreuses comédies françaises populaires1. Entre 1970 et 1974, il travaille pour la télévision en tant que caméraman puis participe activement à la prise de vues pour l’émission Archives du XXe siècle. Il y rencontre alors Jorge Luis Borges, Giorgio de Chirico ou encore Rafael Alberti. C’est aussi au début des années 1970 qu’il commence à réaliser des films courts et expérimentaux en format super 8 et 16mm semblables à des croquis. Émerge également une œuvre plastique conceptuelle, placée sous le haut patronage de la figure du Robinson Crusoé de Daniel Defoe (publié en 1719). De cette utopie d’un retour à la nature, l’artiste retient la dernière partie du livre, celle de la découverte par Robinson d’une vallée paradisiaque et l’abondance de fruits qu’elle recèle, en particulier le cédrat. Jean-Pierre Bertrand vient y puiser la matière même, bien vivante et hautement symbolique, de son travail pour les décennies à venir : le citron, le sel, le miel. Sa première exposition a lieu en 1970 au musée Ludwigshafen en Allemagne et il y met en scène des surfaces sablées. En 1974, au Musée d’Art Contemporain de Bordeaux, il conçoit une installation intitulée Les 54 jours de Robinson Crusoé, qui est l’autre grande révélation du livre de Defoe : le chiffre 54 (désignant la notion d’image et d’alliance dans la tradition hébraïque) et une conception mathématico-poétique du monde. L’exposition avec laquelle il acquiert une reconnaissance publique et critique plus large est La totalité des citrons, à la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière en 1976, complexe et énigmatique jeu arithmétique laissant vieillir et mourir sur un miroir de nombreux citrons.
À partir de 1982, Jean-Pierre Bertrand établit le corpus d’œuvres avec lequel on est plus familier aujourd’hui, corpus largement composé de grands papiers imprégnés (tableaux plus que peintures) de ses matières organiques fétiches.
Hr Hb S/L Hr Hb (1982), par exemple, est un ensemble de volumes verticaux organisés à la manière d’une partition musicale dont la surface est imbibée de matériaux (miel, sel et citron) eux-mêmes combinés à de la peinture acrylique de couleur (rouge, bleu). Durant plus d’une décennie, l’artiste élabore de nombreuses « structures » semblables, faites de cadres métalliques et recouvertes d’une feuille de plexiglas. Proches d’objets par leur épaisseur et leur volume, ces œuvres faisaient affirmer à Jean-Pierre Bertrand qu’elles pouvaient s’apparenter à de la sculpture. En 1999, l’une des pièces de son installation pour le pavillon français de la Biennale de Venise s’intitule Ethrog. Composée de cinquante-quatre cadres enfermant une matière jaune et puissamment lumineuse, l’œuvre dispose également plusieurs cédrats (ethrogs en hébreu) selon un jeu d’addition-soustraction. L’ensemble, à la composition toujours rigoureuse, produit une forme d’hypnose par la répétition du même motif.
En 2005, lors d’une exposition au Quartier à Quimper (In Search of The Miraculous), l’artiste reprend le chiffre 54 comme outil d’agencement et de mesure en produisant un dispositif où 54 lettres en tubes luminescents composent une phrase. Enfin, à partir de 2010, l’artiste réalise ce qu’il nomme les Shem, tentative (infructueuse mais consciente) d’épuiser les « possibles distributions de vingt-sept éléments aux formes et emplacements prédéfinis2 », bandes horizontales de couleurs infiniment réagencées. L’art de Jean-Pierre Bertrand n’aura sans doute jamais cessé d’être cela : un jeu de combinatoire où conceptualité et sérialité frayeraient avec la vibration intense des couleurs et la sensualité des matériaux, une œuvre nimbée de mystère et de magie dont il reviendrait à nous, spectateurs, d’en percer le code secret.

La collection

Jean-Pierre Bertrand

IIIxIIIxIII

1987

Éditions

L'inventaire

1988

FRAC Rhône-Alpes
La collection

Jean-Pierre Bertrand

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imprimé le 21 novembre 2024 [17:01] depuis l'adresse IP : 3.149.253.73
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