La sculpture. Histoire d'un art du 18ème siècle à nos jours : de l'autonomisation à l'ouverture.
Dans ce cycle de conférences, Thierry Dufrêne propose d’aborder les mutations de la sculpture au cours 20
ème siècle. Il en interroge les approches historiques, esthétiques et théoriques depuis le moment où la sculpture se dote de règles et de pratiques propres (au 18
ème siècle), jusqu'à la fin du 20
ème siècle, qui voit le retour des « autres arts » dans ce champ de la création.
Thierry Dufrêne est professeur à l'Université Paris Ouest Nanterre, secrétaire scientifique du Comité international d'histoire de l'art (CIHA) et adjoint au directeur-général de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA).
Tarif Amis : 10€ pour le cycle, ou 4€ par conférence
Tarif Public : 15€ pour le cycle, ou 6€ par conférence
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INTRODUCTION AU CYCLE
La sculpture a-t-elle disparu au 20
è siècle au profit de l’objet, du
ready made, de l’installation, de l’
in situ ou de la performance ou faut-il considérer, comme l'historienne de l'art Rosalind Krauss, que l'on doit désormais parler de la « sculpture dans un champ élargi » (1977) ? Comment rendre compte des mutations de la sculpture et contribuer à en renouveler les approches historiques, esthétiques et théoriques ? Il faut d'abord prendre un peu de recul historique: comment la sculpture telle que nous la voyons dans les musées s'est-elle dotée de règles, de pratiques et de critères propres depuis le 18
è siècle ? La sculpture occidentale s’est séparée, en se définissant au cours du temps, de domaines et de pratiques proches dont on constate qu'après avoir été écartées, elles font retour dans la sculpture depuis les années 1960, dans un contexte historique précis et selon des modalités d’actualisation spécifiques. Les « autres arts » (automates, arts mécaniques, arts populaires, marionnettes, arts forains et circassiens, théâtre d’objets…) permettent un nouvel élan de la sculpture redéfinie et élargie au domaine plus vaste du « sculpter ». Des moments-clés, des étapes fondamentales et des cas significatifs ne peuvent-ils être identifiés pour mener à bien l’étude ?
Conférence #1 - La sculpture comme art spécifique (du 18ème siècle au début du 20ème siècle)
En même temps qu’elle définissait négativement le “fétiche”, séparant la sculpture de l’objet rituel « sauvage » mais aussi de la statue votive, l’Europe du milieu du 18
ème siècle proposait, dans le champ théorique, le “partage” entre l’Art avec un grand A, d’une part, et les “arts” et la technique, d’autre part. Horst Bredekamp parle à ce propos de la rupture de la chaîne “objet naturel/statue/machine/oeuvre d’art”. C'est alors que les arts mécaniques (automates) furent déclassés. De façon générale, on s'est efforcé de séparer la sculpture de ce qui n'en est pas, en s'appuyant sur l'Antiquité, comme le montre l'examen des conceptions différentes de Winckelmann et de Quatremère de Quincy. La pratique des sculpteurs des 18
ème et 19
ème siècles est une active et stimulante recherche d'autonomie, mais par contrecoup, d'exclusion.
Conférence #2 - L'ambiguïté fondatrice de la sculpture moderne (1905-1962)
La fin du 19
ème siècle et le début du 20
ème siècle voient les sculpteurs « modernes » réagir au défi de la “machine”. Il s’opère clairement une bifurcation: d’un côté le dessin d’ingénieur et la maîtrise de l’œuvre mobile ou aérodynamique confortent le dessein de contrôle occidental du mouvement (Calder) ; de l’autre avec le dadaïsme et le surréalisme, “l’objet à fonctionnement symbolique” (Giacometti, Dali) a partie liée avec le fétiche et l’objet animé extra-occidental réhabilité conjointement par l’anthropologue et l’artiste, voire l’historien de l’art (Carl Einstein, Aby Warburg). Or le fétiche et la machine restent les deux limites de la création sculpturale aux yeux des historiens modernistes de la sculpture. Alors, la sculpture moderne constitue-t-elle une rupture ou bien plutôt la fin d’un cycle d’autonomisation et de stricte définition, ou dans ses postulations contradictoires, un peu les deux à la fois ?
Conférence #3 - Le dépassement des frontières de la sculpture et l'intégration d'autres pratiques (des années 1960 à nos jours)
Comment s’explique le retour de la marionnette, de l’automate, du théâtre d’objets dans l’art contemporain ? Que ce soit chez Boltanski, Messager, Oppenheim, Tunga, Jim Dine et tant d’autres. Les arts populaires et les types variés de l’animation d’objets et de figures (marionnettes, poupées, figures de cire, automates, robots, arts forains, cirque, théâtre d'objets, silhouettes, art brut, art des fous, « objets de civilisation », arts décoratifs, artisanats en cours de qualification esthétique et muséale, arts numériques), ne se trouvent-ils pas réinsérés sous nos yeux dans la pratique artistique? S’il ne s’agit pas seulement, comme nous en sommes persuadés, d’emprunts de l’art savant au vernaculaire, c’est à une redéfinition sociale et esthétique que nous assistons. Comment l’expliquer, après en avoir fait l’histoire ? Comment se constitue à l’époque contemporaine ce que j’ai proposé d’appeler une
outresculpture, faite de réintégrations mais aussi de nouvelles orientations décisives ?