Bertrand Clavez (né en 1970) est professeur agrégé d'arts plastiques, docteur en histoire de l'art et maître de conférences à l'Université Rennes 2 - Haute Bretagne.
Ces conférences, proposées par les Amis, sont articulées autour des trois mots essentiels de l'art des cent cinquante dernières années, mots qui désignent le rapport que notre société noue avec l'art de son temps soit, la modernité, l'avant-garde et le contemporain.
Prix Amis : 3€ / conférence – 10€ pour les 4 conférences
Public : 5€ / conférence – 15€ pour les 4 conférences
Gratuit pour les étudiants
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Du peintre de la vie moderne au peintre du moderne, histoire de la substitution du sujet dans l'art par le sujet de l'art. 1863-1888
« La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable », écrivait Charles Baudelaire dans « le peintre de la vie moderne », mais sa propre poétique appliqua cette recherche à « dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire » en confrontant des formes poïétiques anciennes, telles que le sonnet, à des motifs tirés du vulgaire contemporain, de la « charogne » aperçue au détour d'un chemin, au « sein martyrisé d'une antique catin » « qu'un débauché pauvre » « baise et mange ».
L’« âme » du poète fut « assez hardie » pour se confronter au « viol », au « poison », au « poignard », à « l'incendie » dont il entendait faire, dans son adresse « Au lecteur » les « plaisants dessins » du « canevas banal de nos piteux destins ». Cette confrontation de l'art au réel, à sa cruelle crudité, ne fut pas l'enjeu du seul Baudelaire, mais apparaît bien plutôt, de la fin des convulsions Romantiques à l'agressive compassion des Réalistes, comme un des enjeux fondateurs de la modernité artistique au XIXe siècle : avant que de ne faire des moyens de son art le sujet même de sa peinture, le peintre Moderne devait d'abord en finir avec le sujet, avec la narrativité inscrite dans le projet pictural depuis la Renaissance. Cette mise à bas de la domination du récit se joua au travers de toute une série de registres, aux premiers rangs desquels figurent la provocation et la parodie. Du Radeau de Géricault à la peinture de Manet, du Réalisme de Courbet aux fulgurances anarcho-révolutionnaires des pointillistes, peut s'instruire le procès Moderniste de l'ordre ancien de l'art.
Du canular a l'Avant-garde ou la destruction comme principe de realisation de l'Art. 1878-1924
Avant même le grand bouleversement lancé par Dada à la face d'un monde en proie à une guerre totale, des groupes issus de la bohème artistique s'étaient complus à renvoyer dos-à-dos peintres modernes et tenants du Grand Style par l'ironie mordante de leurs facéties et l'humour dévastateur de leur canular. Ces pratiques para-artistiques ont longtemps été négligées par les historiens de l'art contemporain mais, à une époque où Dada n'est plus seulement vu comme « la maladie infantile » du Surréalisme mais comme une lame de fond qui ébranla totalement la compréhension contemporaine de l'œuvre d'art, il nous faut resituer ces actions provocatrices, non pour en faire des œuvres à part entière et des précurseurs de l'art post-duchampien, mais pour reconstruire les liens aussi ténus que tenaces de ces générations marquées par la guerre de 1870 à celles submergées par la guerre de 14-18, qui ont fait toutes deux des destructions subies et vécues le ressort intime de leur création: « Hirsutes », « Incohérents », « Hydropathes » autres « Zutistes », ne serait-ce que par l'existence d'un Montmartre artistique qui fut leur fait, ne peuvent être séparés des avant-gardes du début du XXe siècle.
DE L’ART DU TEMPS PRÉSENT AU CONTEMPORAIN, LE NÉCESSAIRE ÉCLECTISME D’UNE CONTEMPORANÉITÉ OUVERTE SUR LE « VILLAGE GLOBAL »
« Que ce soit par son marché (près de 40 milliards d’euros en 2010) ou par la multiplication de ses structures administratives et commerciales (on compte près de 400 biennales d’art contemporain dans le monde), l’art contemporain a gagné depuis les années 1960 droit de cité et ses innovations ont infusé l’ensemble du champ médiatique et de l’industrie culturelle, jusqu’aux formes les plus triviales du design. Cette éclatante réussite, qui fait que la moindre école d’art forme chaque année plus d’artistes qu’il n’y en eut dans toute la Renaissance florentine et que des milliers de médiateurs culturels arrivent sur le marché du travail constitue un paradoxe certain avec des pratiques qui se revendiquent d’une marginalité dissidente issue de l’histoire de la Modernité.
Des Néo-avant-gardes au postmodernisme, la conférence abordera les questions soulevées par le triomphe du Contemporain, d’un art du temps présent, à la fois puissamment inscrit dans des lieux donnés, et globalisé à un point jamais atteint auparavant dans l’histoire. » (B. Clavez)