Filmer ne serait pas tant fixer des instants que leur impossible itération. Là est l'enjeu de ce qui serait ma définition du cinéma. D'abord enregistrer des images - comme on tend l'oreille pour écouter d'anciennes fables - puis, écouter ce qu'elles racontent : extraire de leur contenu manifeste un contenu latent.
Si l'espace urbain est souvent le théâtre de mes errances, il est avant tout prétexte à la déhiscence des images qui le capturent. Le rythme des grandes villes est propice aux surprises et ne se piste qu'en pointillé - à la cadence d'un mécanisme d'enregistrement. L'utilisation de la pellicule Super-huit impose la brieveté de son métrage, 15 mètres - durée fugace, et, comme tout support argentique, met à distance le résultat de son origine : impossible en effet d'avoir instantanément accès aux choses filmées, d'abord doivent-elles être développées. Cette attente participe à l'élaboration narrative qui s'ensuivra : aux images du tournage que la mémoire conservait imparfaites, se superposent celles fixées sur la pellicule développée, une fois visionnée. Elles sont ensuite vues et revues, comme mises à la question. Alors, comme ces fables que, par devoir, nous transmettons à notre tour, les images qui l'ont fait naître assignent à la parole un nouvel espace : le film.
F.L.